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Congrès 2026

Nous sommes ravi.es de vous présenter l’appel à communications pour le Congrès 2026 de l’AFEA

Appel

4e Congrès international
de l’Association Française d’Ethnologie et d’Anthropologie
Confiance / méfiance / défiance


Du 28 au 30 octobre 2026 au Campus Saint-Charles, Marseille

Télécharger le programme ici


À la suite du dernier congrès de 2023 consacré à la crise, le congrès de 2026 de l’Association Française d’Ethnologie et d’Anthropologie propose de s’intéresser à la confiance : comment elle peut être définie, ce qui la rend possible (croyance, procédures d’évaluation, etc.), mais aussi ce qui l’ébranle (défiance, méfiance, doute) et permet de la restaurer. À partir d’enquêtes ethnographiques, de réflexions théoriques, et des différentes pratiques de l’anthropologie, le congrès vise à explorer la confiance dans ses multiples espaces – relationnels ou temporels, publics ou privés – et dimensions scientifiques, politiques, religieuses, économiques, sociales.

Les périodes de crise, les conflits internationaux et les crimes de masse s’accompagnent d’une remise en cause de l’autorité politique et des savoirs scientifiques. Ce phénomène contribue à l’instabilité de ce que la philosophe Hannah Arendt a nommé la « réalité factuelle » (1972), c’est-à-dire de l’ensemble des faits et événements considérés comme établis et partagés. Il révèle l’importance de la confiance dans la cohésion des groupes humains et souligne les risques qu’engendrent son déclin ou son absence (Luhmann, 2006).

La question de la confiance traverse la discipline anthropologique depuis ses origines. Dès la fin du XIXe siècle, en filigrane d’une réflexion plus large sur la relation entre science et colonialisme, Franz Boas s’intéresse à la place de la confiance dans la production des données ethnographiques (Boas, 1896). La confiance, en particulier la manière dont celle-ci est acquise et conservée, traverse  nsuite les travaux portant sur une variété de domaines de recherches : économique, religieux, politique, ou encore celui des relations de pouvoir. Depuis le « tournant réflexif » de l’anthropologie
initié à partir des années 1970 (Asch, 2015 ; Venkatesh, 2013 ; Clifford, Marcus, 1986), de nombreux travaux ont interrogé le déploiement de la confiance au sein des relations entre l’anthropologue et les personnes auprès de qui les recherches sont menées (Bensa, Fassin, 2008 ; Leservoisier, Vidal, 2007 ; Rabinow, 2007 ; Ghasarian, 2002).

Ces analyses fondatrices gagneraient à être actualisées à la lumière des multiples formes contemporaines de défiance, de remise en question de la production et de la transmission de l’information (fake news, climatoscepticisme, complotisme, mouvement antivax, attaques contre le système judiciaire) et de développement de nouvelles formes de socialité, en particulier dans l’espace numérique (réseaux sociaux, blockchain, open access, algorithmes). Un tel travail est d’autant plus important que ces changements impliquent des transformations rapides et profondes des conditions de l’enquête ethnographique et du statut de l’anthropologue sur le terrain, contribuant à fusionner un marché scientifique (structuré par les règles de la compétition et de la coopération universitaires), et un marché médiatique (structuré par l’éthique et l’esthétique) (Lebourg, 2025).

Ainsi, le congrès de 2026 souhaite interroger les écosystèmes de la confiance et les rapports entre confiance, méfiance et défiance à la fois au sein des objets de la recherche anthropologique et dans la pratique du métier d’anthropologue. Nous invitons les anthropologues à répondre, en proposant une contribution individuelle ou un atelier thématique, à un ou plusieurs des trois axes suivants : 1/ Les gages de la confiance ; 2/ Méfiance et défiance au sein des relations ethnographiques ; 3/ Évaluer, contrôler : de la responsabilité au jugement.


Axe 1. Les gages de la confiance

Dans le langage courant, le terme « confiance » désigne un phénomène psychosocial : un sentiment de sécurité vis-à-vis d’autrui. Selon cette première définition, la confiance se gagne ou se perd selon les circonstances, mais elle est avant tout relationnelle. Dans la diversité des langues humaines et des travaux des anthropologues, on constate encore d’autres définitions, d’autres conceptions et d’autres modalités possibles : la confiance peut être envisagée comme une action (faire confiance), un processus (gagner la confiance), un rapport de pouvoir inscrit dans un ensemble de relations, à la fois individuelles et collectives, etc. Comment définir la confiance par-delà la polysémie associée au terme ? Comment peut-t-elle être observée et appréhendée en tant que pratique sociale ?

Manifeste aussi au travers d’une culture matérielle, de récits ou de rites et rituels, la confiance est omniprésente dans les pratiques sociales, à la fois précieuse et fragile, et toujours exposée à la défiance et au discrédit. Les gages de confiance tels que la monnaie, la signature, les contrats, sont en effet essentiels aux transactions les plus courantes mais également vulnérables à la falsification ou à la trahison, engendrant ainsi des régimes de suspicion et de contrôle. En conférant une légitimité et en exonérant la production systématique des preuves, elle participe à la stabilité des institutions humaines.

La question de la confiance fait ainsi écho à des thèmes classiques de l’anthropologie, tels que l’appartenance, la religion, la vérité, l’authenticité, la croyance, l’autorité, le pouvoir et la preuve (Fliche, Pons, 2022 ; Provost, 2021). À partir de travaux menés dans ces différents domaines, il s’agit d’interroger et d’analyser empiriquement les espaces et les institutions de production de la confiance. Comment la confiance se crée-t-elle, s’entretient-elle et se maintient-elle ? Comment devient-elle l’objet d’investissements qui lient à la fois expériences passées et croyance en l’avenir ? Comment celle-ci se déploie-t-elle ou se perd-elle dans différents contextes sociaux ? Comment, enfin, peut-elle aussi prendre la forme d’une injonction, d’une remise en cause du droit à douter ?

Le congrès propose d’explorer ces questions, mais est également ouvert au dépôt de propositions abordant la confiance indirectement, à partir de travaux portant sur des thèmes plus anciens dans la discipline – croyance, véridiction, etc. – dès lors que ces recherches éclairent la légitimation, la mise en question ou la reconstruction de la confiance.


Axe 2. Méfiance et défiance au sein des relations ethnographiques

La question de la construction de la confiance se pose avec une acuité particulière du point de vue des relations ethnographiques et de la place de la science dans la société. Profondément marqués par l’avènement d’une condition postnumérique globalisée (Fournier et al. 2016 ; Bosma 2014), les rapports entre l’anthropologue et les personnes qu’iel rencontre ne relèvent plus seulement de l’interaction en face à face, mais s’appuient sur les réseaux sociaux en ligne (Matterlart et al., 2015). La circulation de l’information, ses accélérations, ses formes de rétention ou de concentration générées en partie par les algorithmes et les IA organisent un cadre qui change radicalement les conditions d’émergence et de validation du savoir et de la confiance. Les personnes rencontrées par l’anthropologue sur le terrain se renseignent à son propos sur Internet ; en retour, les anthropologues choisissent leurs interlocuteur·rice·s – particulièrement lorsqu’ils enquêtent au sein de contextes politiques sensibles (Merzeau, 2009) où méfiance et défiance constituent des modes dominants d’interaction (Carey, 2017).

Comment la tension entre confiance, méfiance et défiance affecte-t-elle le travail de l’anthropologue – et comment les technologies disponibles (articles en open access, traducteurs automatiques, intelligences artificielles) transforment-elles les conditions d’attribution de la confiance sur le terrain ? Comment les suspicions et les accusations d’espionnage ou d’intérêts cachés pèsent-elles sur nos enquêtes, particulièrement dans les contextes autoritaires, où l’accès au terrain peut être restreint, lourdement contrôlé ou interdit ? Comment ces questions impactent-elles la définition des méthodes, outils d’analyse, voire l’écriture des résultats, particulièrement dans le cadre de projets collaboratifs (Fluehr-Lobban, 2008 ; Houiller, Merilhou-Goudard, 2016) ? Quel est le bilan éthique et politique des projets visant à produire des résultats participatifs, fondés sur un engagement des interlocuteur·rice·s dans la production des savoirs participatifs (Benoit, 2017) ?

Autrefois considérée comme relevant de l’intimité et du secret, la relation ethnographique semble faire désormais l’objet d’un impératif de transparence. L’exemple de la controverse autour de l’ouvrage d’Alice Goffman (2014) est à cet égard éclairant : soupçonnant la sociologue d’avoir falsifié ses matériaux, des chercheurs anonymes, des journalistes, puis son université, ont vérifié ses sources, parfois au prix d’une rupture de l’anonymat (Fassin, 2016 : 305-306).

Cette controverse rejoint les questionnements autour de la mise en récit et de la dimension fictionnelle de l’anthropologie, en tension entre l’exactitude des propos relatés et la vraisemblance des situations décrites (Debaene 2005, Mahieddin, 2011). Elle invite aussi à réfléchir aux enjeux de la logique de l’open access qui, par exemple, invite non seulement à rendre visibles les publications scientifiques, mais aussi à partager les matériaux de la recherche (Mouton 2018, Carbonnel 2018). Certains bailleurs de fonds constituent ce principe en condition sine qua non pour attribuer des financements. Dans quelle mesure l’obligation à la transparence des données infléchit-elle la conception des projets et les collaborations ? Peut-elle constituer une forme de remise en question de la confiance envers les anthropologues concernant la production de leurs données ?


Axe 3. Évaluer, contrôler : de la responsabilité au jugement

En plus d’être vue comme une relation construite, la confiance peut être abordée sous l’angle d’un acte de jugement : accorder sa confiance à une entité, c’est d’abord s’assurer que celle-ci en est digne. Elle procède donc d’une évaluation et d’un classement qui s’inscrivent dans des processus sociaux. Du New Public Management, qui repose sur le suivi d’activité et la mesure de la performance à l’apparition du fact checking dans le journalisme, de nombreuses pratiques actuelles modifient les conditions de félicité de la confiance. Cependant, loin d’engendrer mécaniquement la restauration de la confiance, la généralisation du recours aux « dispositifs de confiance » (Karpik, 1996) devient le moyen d’expression, voire la source, de la défiance.

Quels sont les processus d’évaluation qui assurent un cadre de confiance ? Quelles sont les personnes jugées aptes à évaluer ? Qu’est-ce qui garantit qu’une action, un propos, une personne, sont conformes à des attentes auxquelles ils se rapportent ? Comment cette conformité peut-elle être remise en cause ? Comment expliquer que les mêmes dispositifs de contrôle et d’évaluation puissent engendrer à la fois confiance et défiance ?

Ce constat s’applique en particulier à la pratique de l’anthropologie. Du fait de leur affiliation à des universités, des instituts de recherche, des entreprises ou des associations, les anthropologues mènent des recherches réglementées par une multitude d’instances de pouvoir (fonctionnaire sécurité défense, comités d’éthique) : Comment les formes de contrôle exercées par les institutions et organismes de financement ont-elles favorisé certains objets d’étude, et défavorisé d’autres ? Comment colorent-elles le contenu de la recherche ? Comment les logiques bureaucratiques façonnées par la multiplication des procédures d’évaluation (comités de suivi de thèse, bilans annuels d’activité, évaluation HCERES par les pairs) et d’autoévaluation (bibliométrique, notamment) influencent-elles, ou non, la pratique du métier, son langage et ses façons de penser ? Quelles stratégies de résistance et quelles ruses engendrent-elles ? Une dernière question renvoie plus généralement à l’articulation de différentes formes d’évaluation de la discipline anthropologique, que ce soit dans l’espace public, politique, scientifique ou dans les différentes formations universitaires: les étudiant·es ont-iels confiance dans la discipline qui leur est transmise ? En ses outils, ses méthodologies, et ses paradigmes ?


***

Nous vous invitons à soumettre des propositions individuelles ou d’ateliers (entre 1 et 6 sessions d’1h30). L’objectif consiste à favoriser une réflexion large et plurielle, ouverte sur les dynamiques de confiance, de défiance, de contrôle et d’évaluation dans nos sociétés et sensible aux enjeux entourant la pratique de l’anthropologie.

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Modalités pratiques
Les propositions peuvent être individuelles ou d’ateliers.
Les ateliers peuvent prendre entre 1 et 6 sessions d’1h30.

Propositions individuelles : un résumé de 2000 caractères. En complément, un résumé de 1000 signes destiné au programme si la communication est retenue. (Tous les résumés doivent figurer sur un document unique en format PDF).
Propositions d’atelier : un résumé de la thématique générale de l’atelier en 2000 caractères, ainsi que les résumés en 2000 caractères d’un minimum de 3 communications composant l’atelier.
Attention : un atelier ne peut pas réunir uniquement des responsables et des communicant·e·s appartenant à une seule et même institution. (Tous les résumés doivent figurer sur un document unique en format PDF).
Les propositions de communications individuelles et d’ateliers préciseront, le cas échéant, à quel(s) axe(s) proposé(s) par le texte de cet appel elles se rattachent.

Les soumissions (un seul dépôt en tant que 1er-e auteur·e) sont à adresser à :
congresafea2026@gmail.com

Date limite de dépôt des propositions : 31 janvier 2026.
Réponse du comité scientifique : 31 mars 2026.

Organisateur·rice·s
Yacine Amenna, Laure Carbonnel, Fabien Provost

Comité scientifique
Rim Affaya, Yacine Amenna, Carine Baxerres, Laure Carbonnel, Caroline Cavallasca, Natacha Collomb, Marie-Aude Fouéré, Monica Heintz, Fabienne Hejoaka, Marie-Pierre Julien, Emir Mahieddin, Mikaëla Le Meur, Valentina Napolitano, Fatoumata Ouattara, Cédric Parizot, Boris Petric,
Perig Pitrou, Fabien Provost, Ouarda Raith, Céline Rosselin-Bareille, Marc Tabani, Clément Tarantini


Pour tous les détails concernant les inscriptions, merci de consulter la page consacrée au congrès 2026 sur le site internet de l’AFEA


Bibliographie

Allard,  O., Carey  M. et Renault R., (2016),  « De l’art de se méfier », Tracés. Revue de Sciences humaines, 31, [En ligne].
Arendt, H., (1972), La crise de la culture, Paris, Gallimard.
Asch, M., (2015), « Anthropology, Colonialism and the Reflexive Turn: Finding a Place to Stand », Anthropologica, 57(2), p.481-489.
Benoit, C., (2017), « La recherche-action en anthropologie : une approche réflexive et collaborative », in: La recherche-action en sciences sociales, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p.13-30.
Bensa, A., Fassin, D., (dir.), (2008), Les politiques de l’enquête, Paris, La Découverte.
Boas, F., (1896), « The Limitations of the Comparative Method of Anthropology », Science 4(103), p.901-908.
Bosma, J., (2014), « Post-Digital Is Post- Screen: Arnheim’s Visual Thinking Applied to Art in The Expanded Digital Media Field », Post Digital Research, 3(1), p.106-118.
Carbonnel, L., (2018), « Archiver (des) sciences humaines : trois mots clefs pour engager les responsabilités », La Gazette des archives, 246, p.13-26.
Carey, M., (2017), Mistrust: An Ethnographic Theory, Chicago, The University of Chicago Press.
Clifford, J., Marcus, G.E., (dir.), (1986), Writing Culture: The Poetics and Politics of Ethnography, Berkeley, Los Angeles, Londres, University of California Press
Debaene, V., (2005), « Ethnographie/Fiction », L’Homme, 175-176, p. 219-232.
Fassin, D., (2008), « L’inquiétude ethnographique » in Bensa, A., Fassin, D., (dir.), Les politiques de l’enquête, Paris, La Découverte, p.7-15
Fassin, D., (2016), « L’ethnographie retrouvée. Sur quelques approches contemporaines des pratiques policières », L’Homme, 219-220, p.287-310.
Fliche, B., Pons, C., (2022), « Confiance et vérités. Épreuves de la complexité », Revue des sciences sociales, 67, p.6-11.
Fluehr-Lobban, C., (2008), « Collaborative Anthropology as Twenty-first-Century Ethical Anthropology », Collaborative Anthropologies, no 1, p. 175-182.
Fournier, T., Sennewald, J.E., Gourlet, P., (2016), « Recherche par l’exposition et condition post-numérique », Proteus, 10, p.40-47.
Ghasarian C., (2002), De l’ethnographie à l’anthropologie réflexive, Nouveaux terrains, nouvelles pratiques, nouveaux enjeux, Paris, Armand Colin.
Goffman, A., (2014), On the run: Fugitive Life in an American City, University of Chicago Press.
Houillier, F., et Merilhou-Goudard J.-B., (2016), Les sciences participatives en France : États des lieux, bonnes pratiques et recommandations, rapport.
Karpik, L., (1996), « Dispositifs de confiance et engagements crédibles », Sociologie du travail, 38(4), p. 527-550.
Lebourg, N., (2025), « La redéfinition du marché des intellectuels réactionnaires », Esprit, 7-8, p. 51-61.
Leservoisier, O., Vidal, L., (dir.), (2007), L’anthropologie face à ses objets. Nouveaux contextes ethnologiques. Paris, Éditions des Archives contemporaines.
Luhmann, N., (2006), La confiance, un mécanisme de réduction de la complexité sociale, Paris, Economica.
Mahieddin, E., (2011), « Vingt ans après Writing Culture. Retour sur un “âge d’or” de la critique en anthropologie », Journal des anthropologues, 126-127, p.369-383.
Mattelart, T., Parizot, C., Peghini, J., Wanono, N., (2015), « Le numérique vu depuis les marges », Journal des anthropologues, 142-143, p.9-27.
Merzeau, L., (2009), « Présence numérique : les médiations de l’identité », Les Enjeux de l’information et de la communication, 1, p.79-91.
Mouton, M.-D., (2018), « Dématérialisation et valorisation des matériaux de terrain des ethnologues. L’archiviste face aux questions éthiques », in V. Ginouvès & I. Gras, La diffusion numérique des données en SHS, Aix-en-Provence : Presses Universitaires de Provence, p. 73-90.
Provost, F., (2021), Les mots de la morgue. La médecine légale en Inde du Nord, Sesto San Giovanni, Mimésis.
Rabinow, P., (2007), Reflections on Fieldwork in Morocco: Thirtieth Anniversary Edition, Berkeley, University of California Press.
Venkatesh, S.A., (2013), « The Rise of First-Person Ethnography », The Sociological Quarterly, 54, p. 3-8.